amie lectrice imaginez un instant : vous êtes chez vous, quand soudain, votre progéniture de sexe féminin pousse un cri de joie : elle vient de découvrir le moule à gâteau "princesse" que vous avez acheté quelques jours auparavant, dans le but de vous essayer à l'art délicat et difficile des gâteaux "Barbie"... alors que vous vous apprêtiez à siester ( enfin délivrée de votre progéniture de sexe masculin, tendance petit tyran bouclé aux yeux malicieux, son père ayant eu la lumineuse idée de vous proposer de vous reposer en l'emmenant faire un tour en fôret ) ...... votre chère enfant vous supplie de faire un gâteau, je cite, "pour l'anniversaire de Leïla (je précise pour les bienheureuses qui ont encore la chance d'ignorer qui sont les Winx que Leila fait partie de la joyeuse bande de fées branchées qui déferle sur les ondes hertziennes depuis plusieurs mois).Certes, un gâteau... hormis la perspective de passer à côté d'un repos amplement mérité (9 de tension, hein, 9 de tension ), vous réalisez que nous n'avez pas le materiel requis : pas de colorant alimentaire, pas de sucre glace (vous venez de terminer ou presque le bocal), pas la moindre parcelle de pâte d'amandes, ni décorations diverses... :help :Vous avez néanmoins les aliments usuels indispensables à la pâtisserie de base : oeufs, farine, sucre semoule, beurre, crème liquide, vanille... Après moultes tentatives de détournement de l'attention de votre enfant sur d'autres passionnantes activités (jouer aux Playmobils pendant que maman dort, regarder Tiji pendant que maman dort, dessiner pendant que maman dort...etc), rien n'y fait : vous êtes condamnée à confectionner un joli gâteau afin de fêter dignement les 5 ans de la poupée de plastique, qui pour le coup, finirait volontiers au fond de la poubelle Sans grande conviction, vous préparez une génoise, c'est facile, vite fait et ça occupe le fruit de vos entrailles pendant quelques minutes. Le plus dur reste à faire : comprendre comment se visse le socle du moule et surtout à quoi sert l'espèce de cylindre en aluminium. Vous lisez la notice. Vous cherchez votre neurone. Vous relisez la notice. Ouf, ça va mieux Pendant la cuisson du gâteau, vous vous jetez sur les sites de cuisine afin de trouver une recette de glaçage rose, ou fondant violet, sans sucre glace, ni colorant rose, ni gélatine. Ca va pas être possible. Vous abandonnez et allez fumer une cigarette nerveusement à la cuisine, tout en essayant de ne pas entendre les appels récurrents de votre progéniture en provenance de derrière la porte : "il est cuit le gâteau?. c'est quand qu'on décore!!???" Une fois le gâteau cuit, et la frayeur du démoulage passée, vous êtes en tête-à-tête avec un cône retourné fumant, sans âme, et vous prenez conscience de la folie qui vous a prise 30 mn plus tôt : non, vous ne réussirez pas à transformer cette banale génoise aplatie en somptueuse princesse de bal. Vous armant de courage, vous commencez par coiffer les cheveux de la poupée. Vous restez tout en vous débattant entre les pinces, les cheveux, le morceau de tulle que vous aviez prévu de glisser négligemment dans une coiffure impeccable. Vous allez demander à votre fille de prêter un des chemisiers blancs de sa garde-robe barbienne, ça fera bien l'affaire. Zut! le bas du chemisier fait un peu bizarre, camouflons-le avec un ruban non, pas le violet, il n'est pas assez joli, essayons ce tulle parme bordé d'or, celui qui file entreles doigts lorsque vous essayez de le nouer pour la vingtième fois. Vous êtes exténuée quand vous avez fini. De fil en aiguille, vous vous prenez au jeu : et si j'ajoutais une plume dans les cheveux? à droite? noooon, gauche, c'est plus joli car la demoiselle penche un peu la tête. Votre enfant est bien sûr allée jouer depus longtemps dans sa chambre et se désinteresse totalement de ce que vous faites. Une ombrelle en papier par ci, un accessoire par là, vous passez 30 minutes à enrichir la toilette de cette princesse qui, vague sourire aux lèvres, semble s'amuser à vous voir tourner autour d'elle comme un papillon autour d'une flamme.Et si vous faisiez un collier pour completer le tout? vous voilà pliée en deux, les yeux contre le fil, à essayer dele fermer par un noeud sur 2 milimètres d'envergure. Vous suez. Vous avez envie de passer soudain à l'option : "gâteau yaourt" que vous connaissez si bien. Un vague souvenir de château-fort revient peu à peu s'immiscer dans les brumes de votre cerveau. Ne jamais rester sur un échec, ah oui. Courage.Vient le plus dur : la robe. Vous n'avez ni glacage, ni fondant, ni chocolat. Rien. Juste une brique de crème liquide, vos mains, un neurone, et un lit qui vous attend depuis 1h30. Il va falloir jouer serré, pactiser avec la Chantilly pour qu'elle soit docile et fasse de jolies petites fleurs serrées sans couler. Pitié.Dans un instant de détresse, vous faites preuve de faiblesse et appelez votre mari, pour qu'il vous ramène une bombe de chantilly industrielle. Il est en forêt, le réseau ne passe pas Vous ne pouvez compter que sur vous-même, hélas Au moment de présenter au monde et à votre table votre œuvre, vous vous lancez héroïquement dans la confection d’une crème Chantilly. Tandis que vous battez la crème, vous tentez de ne pas écouter la petite voix qui vous murmure lancinemment « ça ne tiendra pas sur le gâteau, pense à ce qu’a dit Maryjo, il faut de la buttercream ou de la confiture ou du Nutella » Vous maudissez votre fille, le gâteau et Maryjo, et reprenez confiance : si, ça tiendra. Tout en jetant tout de même un petit regard au placard : oui, il y a du Nutella. Armée de toute la volonté fragile dont vous disposez, vous cherchez une douille. Vous en avez une, c’est sûr. Vous l’avez vue lorsqe vous avez rangé les tiroirs, il y a 3 ans. Voilà les embouts. ……. Vous ne trouverez jamais la poche. Vous vous en passerez, après tout, un sachet plastique collé autour de l’embout fera l’affaire. Ce n’est qu’une question de quelques heures. Vous voilà arrivée au moment le plus important : la couverture de la robe. Tremblant de tous vos membres, vous déposez un peu de crème. Puis, avec le desespoir des condamnés, vous continuez, continuez. Le résultat vous surprend : ce n’est pas si mal. Dans votre état, tout est relatif.Vous courrez vers votre fille pour lui annoncer cet évènement capital : celle-ci est allongée par terre dans sa chambre, tranquillement occupée à dessiner, vous obtenez un vague « oui oui, attends » qui vous navre. Elle vous déclare qu’elle n’aime pas les gâteaux, de toutes façons. Alors vous pensez à mettre tout cela sur le papier, pour témoigner de l’après-midi épanouissant que vous avez vécu. Ce n’est peut-être pas la poupée de vos rêves, mais c’est bel et bien celle de votre Dimanche de cauchemar
